Ces pièces ont été écrites il y a plus de 2 500 ans. J’ai lu Agamemnon dans le cadre d’une lecture commune sur Livraddict et je n’ai pas pu m’empêcher de lire la suite car Agamemnon appartient à une trilogie appelée l’Orestie, et il me semblait indispensable de rédiger un billet sur l’ensemble. Sinon, ça n’a pas beaucoup de sens.
C’est au moins la troisième fois que je lis ces tragédies, j’adore la mythologie, mais cette fois-ci, mes livres étant restés en France, j’ai téléchargé sur ma liseuse une traduction que je n’ai pas trop aimée, car je l’ai trouvée vieillotte. (D’ailleurs il faudrait suggérer aux vendeurs d’ebooks que l’on puisse voir qui est le traducteur avant d’acheter ou de télécharger).
Cette trilogie est une affaire de famille, une affaire de vengeance, une affaire de justice. Comme chacun sait, le roi de Mycènes, Agamemnon, est un des grands héros de la guerre de Troie, issu d’une famille maudite, les Atrides. Ici, l’histoire commence à la fin de la guerre. Les Grecs apprennent la bonne nouvelle : ils ont gagné contre les Troyens, c’est l’heure du retour dans leur foyer après dix ans d’absence.
Tout le monde semble se réjouir de l’arrivée imminente du roi. Cependant, Clytemnestre son épouse cache bien son jeu car elle a prévu un accueil un peu particulier pour son cher époux. En effet elle n’a pas oublié – comment le pourrait-elle ? – qu’Agamemnon a sacrifié leur fille Iphigénie avant de partir pour la Troade, et elle prépare depuis dix ans des représailles à la hauteur de sa douleur.
« La justice réclame à haute voix ce qui est dû. Coup mortel pour coup mortel ! Qu’il subisse le crime, celui qui a commis le crime ! c’est la maxime antique. »
Sa vengeance, car c’est bien de cela qu’il s’agit dans la première pièce va entraîner une cascade de violence, racontée dans Les Choéphores : exil, meurtre, asservissement, tout y est. Car bien sûr, les enfants du couple royal, Electre et Oreste n’apprécient pas la vengeance de leur mère. Ils souhaitent prendre leur revanche et punir leur mère. On comprend ici que les meurtres sont sans fin s’ils ont pour origine la vengeance, un crime en entraînant un autre. Ici, c’est même le dieu Apollon qui invite Oreste à venger l’assassinat de son père.
Les Euménides, dont le nom signifie les Bienveillantes, sont au départ les Erinyes, les divinités qui, inflexibles, s’attachent à tourmenter ceux qui ont assassiné quelqu’un de leur sang. Mais l’intervention des dieux, Apollon et surtout Athéna, va leur montrer une autre voie possible : un tribunal, siégeant sur l’Aréopage, peut peser le pour et le contre, entendre le criminel et décider finalement de ne pas le faire périr. Et c’est là que réside le génie d’Eschyle : il invente le principe de la justice. Tout acte criminel peut et doit être jugé, et il arrive même que l’on puisse ainsi expier sa faute sans que la vendetta se poursuive. La sentence du tribunal, ici présidé par Athéna sera sans appel. C’est ainsi qu’un criminel pourra expier son crime et que cessera enfin la violence.
« Que jamais, ici, un meurtre ne venge un meurtre ! Que les citoyens n’aient qu’une même volonté, un même amour, une même haine. Ceci est le remède à tous les maux parmi les hommes. »
Quand on sait que certaines régions du monde se déchirent aujourd’hui depuis des décennies, que la loi du talion est encore de mise, on se dit qu’on aurait tout intérêt à larguer des livres plutôt que des bombes sur ces zones de conflit. La sagesse antique peut encore nous apprendre des choses précieuses, et Eschyle peut nous sembler étonnamment moderne.
Agamemnon, Les Choéphores, Les Euménides, d’Eschyle
Tragédies grecques du Ve siècle avant J.-C. 409 pages chez Flammarion (collection Garnier-Flammarion).
Titre original : Ἀγαμέμνων, Χοηφόροι, Εὐμενίδες, traduit par Daniel Loayza. (J’ai lu cette fois-ci la traduction de Leconte de Lisle en ebook).
Hey,
J’adore la mythologie également ! Cet ouvrage me tente 🙂
Bonne lecture alors ! Mais je conseille de choisir une traduction plus récente.
Ça fait des années que je croise régulièrement cette couverture de livre, et que je me dis que ça doit être un livre d’un autre temps, pas pour moi… Mais ton analyse me donne envie d’essayer du coup, ne serait-ce que pour voir ce qui pouvait être écrit à cette époque si lointaine ! Je vais me laisser tenter, on verra bien ! Connais-tu une autre traduction du coup ?
Biz from Texas !
C’est vrai que c’est très particulier, le théâtre grec de l’Antiquité ! Il y a par exemple le choeur qui est un personnage à part entière et qui commente l’action, ce qui peut être déroutant au début, mais on s’y fait vite. Pour la traduction, celle que j’ai lue là était vraiment vieillotte ; je ne sais plus lesquelles j’avais en France (sans doute une de Paul Mazon), mais je pense que celle de Paul Claudel ne doit pas être mauvaise, ou celle de Daniel Loayza dans l’édition en photo sur l’article. Bonne lecture ! Bises nippones 😉
Cela fait longtemps que je ne l’avais pas lu. Cela me donne envie de le relire.
Tu l’avais aimé la première fois ? Je n’ai pas été déçue de le relire, bien au contraire, je l’ai trouvé vraiment puissant. Bonne relecture !
Oui j’avais bien aimé. Un plaisir.
Contrairement à toi, je n’ai pas été touchée par la grâce ! Mais je me dis qu’il faudrait que je retente une lecture pour ne pas rester sur cette frustration car d’ordinaire j’apprécie les textes antiques !
En tout cas, bravo pour ta chronique très intéressante !
Merci pour ton message et ton compliment ! Je me demandais si tu avais lu la suite. Parce qu’honnêtement, je crois que seule, cette pièce ne m’aurait pas plu autant. Je pense qu’elle fait vraiment partie d’une trilogie sans laquelle elle a beaucoup moins de sens. Pour moi, la trilogie représente vraiment la naissance de la justice des hommes, elle est éminemment symbolique et fondatrice. Si tu tentes une seconde lecture, je me permets de te conseiller de lire aussi les deux suivantes et tu reviendras m’en dire des nouvelles 😉
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