Quand on évoque Hernani, on pense à la fameuse bataille du même nom, déclenchée lors de la première représentation de cette pièce jouée par la Comédie Française le 25 février 1830. Sacré Victor Hugo ! Trois ans après sa préface de Cromwell, dans laquelle il expose ce qu’est le drame romantique, voilà qu’il recommence avec Hernani ! Je me suis dit qu’une pièce de théâtre ne me ferait pas de mal en cette rentrée.
J’ai adoré cette pièce, qu’on se le dise ! Elle est vraiment caractéristique de ce nouveau genre littéraire du XIXème et on ne s’ennuie pas une seconde. Bien sûr, d’aucuns pourraient prétendre qu’une pièce en vers est un peu démodée aujourd’hui, eh bien pas du tout ! L’histoire parle d’amour, de pouvoir, d’honneur et les dialogues sont si vifs, si enlevés, qu’on poursuit sa lecture avec avidité.
Doña Sol est un véritable bourreau des cœurs. Trois hommes sont amoureux d’elle, pas moins ! Même si son nom semble évoquer le soleil qu’elle représente pour ses amoureux, il signifie en fait la solitude (Soledad en espagnol) et exprime parfaitement ce tiraillement entre son côté solaire et solitaire.
Au début de la pièce, elle est censée épouser – contre sa volonté – son oncle et tuteur, Don Ruy Gomez, bien plus âgé qu’elle et dont elle ne veut pas.
Les vieux, dont l’âge éteint la voix et les couleurs,
Ont l’aile plus fidèle, et, moins beaux, sont meilleurs.
Nous aimons bien. Nos pas sont lourds ? Nos yeux arides ?
Nos fronts ridés ? Au cœur on n’a jamais de rides.
Hélas ! Quand un vieillard aime, il faut l’épargner ;
Le cœur est toujours jeune et peut toujours saigner.
Ah ! Je t’aime en époux, en père ! Et puis encore
De cent autres façons, comme on aime l’aurore,
Comme on aime les fleurs, comme on aime les cieux !
De te voir tous les jours, toi, ton pas gracieux,
Ton front pur, le beau feu de ta douce prunelle,
Je ris, et j’ai dans l’âme une fête éternelle !
Hernani, un jeune homme banni qui l’aime éperdument, a sa préférence. Mais le roi d’Espagne, Don Carlos éprouve également une passion pour la jeune femme…
Au premier acte, le roi qui s’est introduit furtivement dans la chambre de Doña Sol, la surprend en grande conversation avec Hernani : elle projette de tout quitter pour le suivre, bien qu’il mène une vie de bandit après qu’il a décidé de venger la mort de son père, assassiné sur les ordres du roi précédent. Don Carlos sort alors de sa cachette et provoque Hernani en duel. Mais à ce moment-là, Don Ruy Gomez surgit et se montre scandalisé que deux hommes puissent être dans la chambre de sa fiancée. Le roi se fait alors reconnaître et protège Hernani en le faisant passer pour un membre de sa suite…
Ecoutez l’histoire que voici :
Trois galants, un bandit que l’échafaud réclame,
Puis un duc, puis un roi, d’un même cœur de femme
Font le siège à la fois. L’assaut donné, qui l’a ?
C’est le bandit.
DON FRANCISCO.
Mais rien que de simple en cela.
L’amour et la fortune, ailleurs comme en Espagne,
Sont jeux de dés pipés : c’est le voleur qui gagne.
Mais il ne faudrait pas croire qu’il s’agit là seulement d’une histoire d’amour. C’est aussi une lutte pour le pouvoir (pouvoir politique et pouvoir sur la femme, et pouvoir en littérature) qui se livre ici. Cette rivalité illustre en effet très bien les Anciens contre les Modernes : Hugo sait très bien qu’en matière de littérature, deux camps s’opposent. Lui qui souhaite rompre avec le théâtre classique, bousculer les règles établies, incarne le groupe des modernes. Cependant, on peut voir que la pièce n’est pas très optimiste concernant cette faction, le poids du passé et des traditions étant très important…
Entre duels, vengeance, serments d’honneur et serments d’amour, la pièce est foisonnante, riche et pleine de rebondissements. Notre attention est sans cesse relancée grâce au génie de Victor Hugo qui manie la construction de la pièce et la langue à la perfection, sait camper des personnages complexes, forts et très attachants. La pièce déchaîna les passions puisqu’elle fut décriée par les Classiques mais soutenue par les Romantiques. Elle reste un chef d’œuvre du drame romantique, comme On ne badine pas avec l’amour que Musset écrira trois ans plus tard.
Hernani ou l’honneur castillan, de Victor Hugo
Pièce de théâtre parue en 1830. 142 pages chez J’ai lu (Collection Librio Théâtre).
Coucou Sandra !
Un classique que je n’ai pas encore lu pour ma part, mais que je suis curieuse de découvrir après avoir lu ta chronique 🙂 Merci pour le partage, et contente que cette pièce t’ait plu ! Belle journée, bisous <3
Sue-Ricette
Je l’ai trouvé vraiment enlevé, tonique, j’ai aimé l’histoire. Et puis il est bien écrit, ce qui ne gâche rien. J’espère qu’il te plaira aussi si tu le lis. À bientôt !
Bonjour !
Je n’ai lu que très peu de livres de Victor Hugo. Je crois n’avoir lu que Le dernier jour d’un condamné et Claude Gueux.
Mais, vu ce billet et la notation, je connais ma prochaine lecture de cet auteur ! 🙂
J’ai adoré Claude Gueux, magnifique plaidoyer contre la peine de mort. Cette pièce est très différente, mais passionnante, j’espère qu’elle te plaira 🙂
Alors là tu vois, je ne lis jamais de théâtre, mais je crois que je vais me lancer ! Bon, il faut dire que Hugo, c’est quand même un écrivain d’exception 😉 Merci pour tes chroniques qui me font souvent sortir de ma zone de confort littéraire !
Victor Hugo est sans conteste un très grand auteur et cette pièce mérite le détour, elle est courte à lire, j’espère qu’elle te plaira !
Sur le poids des traditions que vous évoquez, il y a notamment la règle d’hospitalité que respecte Don Ruy Gomez ; il la suit contre son propre intérêt, par sens de l’honneur. Mais à la fin, il respecte une autre règle : celle du serment, et cette fois ce n’est plus par sens de l’honneur mais par intérêt personnel ! Il ne veut pas renoncer à Dona Sol. (remarque à retrouver dans ce livre consacré à l’étude de la pièce : https://www.amazon.fr/dp/B07QLGRMT9 )
Tout à fait ! Merci pour ce lien qui éclairera sans doute nombre d’élèves de TL 😉