La différence invisible, de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

Une fois n’est pas coutume, j’ai lu une BD ! Cela m’arrive rarement, je dois bien l’admettre, et je me sens moins à l’aise pour en faire la critique, en tout cas pour la partie dessin. Cependant, La différence invisible de Julie Dachez et mademoiselle Caroline est très riche et j’ai donc des choses à partager avec vous. Elle présente la vie quotidienne de Marguerite, une jeune trentenaire atypique qui vit avec son amoureux et travaille dans une société.

Les dessins sont assez simples, et j’ai trouvé le travail des couleurs vraiment intéressant. La BD au début est en noir, blanc et rouge. Le rouge correspond aux chaussures de l’héroïne, mais aussi et surtout aux choses qui agressent Marguerite. En effet, la jeune femme est très particulière, hypersensible aux bruits par exemple, qui semblent la faire vraiment souffrir. Elle ne supporte pas le bruit des travaux, ni même celui des conversations, ou encore du simple claquement des talons. Elle a une alimentation végétarienne, sans gluten etc. qui l’éloigne de ses collègues pendant le déjeuner.

Marguerite est assez isolée, certains imaginent que c’est une no-life. D’une part, elle n’éprouve pas le besoin de communiquer beaucoup avec les autres, d’autre part ses collègues, qui ne la comprennent pas, l’excluent assez rapidement. Alors qu’elle est très sérieuse et perfectionniste dans son travail, elle est malgré tout convoquée par son patron car elle ne se lie pas aux autres ce qui lui pose problème à lui, mais pas à elle qui ne comprend pas les reproches qu’on lui fait dans la mesure où elle fait parfaitement bien son travail.

Planche extraite de La différence invisible, de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

Avec son chéri, on voit aussi des problèmes relationnels : quand le week-end, lui rêve d’aller faire la fête avec des amis, elle préfère rester seule dans leur appartement avec ses animaux : elle trouve la conversation des gens peu intéressante et le bruit l’indispose. De même, elle ne comprend pas les blagues ou sous-entendus, maitrise mal le second degré… Bref, elle n’a pas envie de se forcer à vivre une situation qu’elle estime désagréable pour elle.

Au quotidien, on la voit suivre une routine parfaitement huilée : son trajet est précis et minuté pour se rendre au travail, elle demande invariablement la même chose à la boulangère, passe devant la librairie etc. Mais un jour, elle découvre des informations qui vont bouleverser sa vie et lui faire comprendre qu’elle est différente des autres : elle est autiste Asperger. La BD s’égaie alors de couleurs bien plus vives et variées, et sa re-naissance est symbolisée par un oiseau qui s’envole : sa vie va considérablement changer. Elle va enfin pouvoir s’épanouir.

J’ai beaucoup aimé cette histoire qui explique de manière très simple que les gens peuvent être différents. L’autisme Asperger n’est pas une maladie, juste une différence qui nécessite seulement quelques aménagements de part et d’autre pour que tout le monde vive en harmonie. Longtemps considéré comme une maladie, l’autisme Asperger est encore très mal connu en France et souvent tardivement diagnostiqué. Il est d’ailleurs intéressant d’observer la réaction de son entourage à l’annonce de cette nouvelle…

J’ai trouvé qu’il émanait de cette BD beaucoup de sensibilité, de finesse, ce qui est d’ailleurs bien rendu par le trait du dessin. L’héroïne est touchante, ne verse jamais dans l’auto-apitoiement. On la voit essayer d’entrer dans le moule, sans succès car elle ne comprend pas très bien le monde dans lequel elle vit : elle est sans cesse un peu en marge, en décalage avec le reste de la société. Elle sent sa différence mais ne sait en expliquer l’origine avant de passer entre les mains de spécialistes. Lorsqu’elle découvre sa particularité, elle s’en trouve bouleversée, éclairée : elle peut désormais être heureuse, tout en étant différente.

Cette BD est donc très instructive. Elle retrace en fait le chemin de Julie Dachez qui a découvert son autisme à l’âge adulte. Aidée de sa libraire que l’on voit dans la BD, elle va décider de raconter son histoire. À la fin du livre, elle donne de nombreuses pistes pour en savoir plus sur ce sujet. Elle explique qu’elle se fait fort désormais de diffuser auprès d’un large public, à travers son blog ou cet ouvrage ce qu’est l’autisme, espérant ainsi combattre les idées reçues et préjugés hélas bien ancrés dans la population.

Planche extraite de La différence invisible, de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

Ce livre pourrait révéler lui aussi à certains lecteurs l’origine de leur malaise dans leur vie quotidienne. Mon seul regret est de n’avoir pas eu d’informations sur la famille de Marguerite : ses relations avec ses parents et sa fratrie si elle en a, leur réaction à la nouvelle etc. Même si l’on n’est pas confronté personnellement à cette situation, je pense que La différence invisible est une BD qui peut éclairer et aider à lutter contre l’intolérance et la discrimination : c’est un livre que tout le monde devrait lire !

La différence invisible, de Julie Dachez et Mademoiselle Caroline

BD parue en 2016. 197 pages chez Delcourt (collection Mirages). 

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2 commentaires sur “La différence invisible, de Julie Dachez & Mademoiselle Caroline

  • 13 septembre 2019 à 13 h 08 min
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    Bonjour Sandra,
    Je « ne sais pas » lire de BD : je ne vois que le texte, je dois me forcer pour regarder les images! Pourtant j’ai moi aussi bien apprécié cette BD que j’ai empruntée complètement par hasard à la bibliothèque cet été. Grâce à toi, je viens de réaliser que je n’avais même pas remarqué le changement de couleurs :+(
    Il va falloir que je l’emprunte à nouveau !

    Réponse
    • 1 septembre 2022 à 19 h 46 min
      Permalink

      Moi non plus je ne sais pas bien lire les BD : je me concentre soit sur le texte, soit sur les ‘images, mais les deux en même temps est trop compliqué pour mon petit cerveau. Du coup, j’en lis peu et c’est dommage car souvent, j’apprécie !

      Réponse

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