Pour le classique du mois, j’ai voulu choisir un roman moderne, Les Gommes d’Alain Robbe-Grillet qui est considéré comme le premier « nouveau roman », même si le terme n’est apparu qu’ensuite. Je n’aime pas les nouveaux romans que j’ai lus auparavant, mais comme mes lectures de ce genre remontent à quelques décennies, j’ai voulu voir si mes goûts en la matière avaient changé.
Eh bien non ! Force est de constater que décidément, je n’apprécie pas du tout ce type de récit. Il s’agit d’une histoire assez labyrinthique. Daniel Dupont, un universitaire assez solitaire est victime d’une tentative d’assassinat à son domicile. Son décès est constaté par le docteur Juard mais le cadavre manque… Wallas, un policier est chargé de mener l’enquête. Il erre dans les rues tortueuses de la ville pendant deux jours à la recherche de la vérité…
« Bientôt malheureusement le temps ne sera plus le maître. Enveloppés de leur cerne d’erreur et de doute, les événements de cette journée, si minimes qu’ils puissent être, vont dans quelques instants commencer leur besogne, entamer progressivement l’ordonnance idéale, introduire çà et là, sournoisement, une inversion, un décalage, une confusion, une courbure, pour accomplir peu à peu leur œuvre : un jour, au début de l’hiver, sans plan, sans direction, incompréhensible et monstrueux. »
C’est un livre intéressant du point de vue de la narration, très originale pour l’époque. Le lecteur se trouve tour à tour dans la peau de chaque personnage, et en sait donc plus que le policier lui-même. Mais cela induit des répétitions de certaines scènes vues par les différents protagonistes qui m’ont passablement ennuyée.
Les descriptions minutieuses des objets, des rues, des façades de maison m’ont tout autant lassée. Autant chez les auteurs réalistes, ce genre de descriptions crée une véritable atmosphère, autant là, je n’ai pas ressenti cela, j’ai trouvé la ville et les personnages froids, complètement déshumanisés et inintéressants. Car l’auteur crée une illusion de réalisme, mais personne n’est dupe, ni lui, ni le lecteur. Le nouveau roman précisément veut rompre avec le réalisme des romans du XIXème siècle.
« Un quartier de tomate en vérité sans défaut, découpé à la machine dans un fruit d’une symétrie parfaite. La chair périphérique, compacte et homogène, d’un beau rouge de chimie, est régulièrement épaisse entre une bande de peau luisante et la loge où sont rangés les pépins, jaunes, bien calibrés, maintenus en place par une mince couche de gelée verdâtre le long d’un renflement du cœur. Celui-ci, d’un rose atténué légèrement granuleux, débute, du côté de la dépression inférieure, par un faisceau de veines blanches, dont l’une se prolonge jusque vers les pépins – d’une façon peut-être un peu incertaine. Tout en haut, un accident à peine visible s’est produit : un coin de pelure, décollé de la chair sur un millimètre ou deux, se soulève imperceptiblement. »
Alors bien sûr, on pourrait me rétorquer que Robbe-Grillet se joue des conventions littéraires, s’amuse à parodier le roman policier. Mais justement, il faut voir ici plutôt une expérience littéraire qu’un roman ordinaire. Et cette expérience ne m’a ni touchée, ni intéressée. Bref, une lecture qui me déçoit. Dix ans après Les Gommes, Robbe-Grillet écrit son manifeste Pour un nouveau roman qui expose ses théories et sa volonté de renouveler le genre. Mais il semble que le nouveau roman – qui n’a duré que vingt ans- soit aujourd’hui passé de mode, ce qui n’est pas pour me déplaire.
Car un roman où ni l’intrigue, ni les personnages ne semblent nécessaires me semble creux et dépourvu du moindre intérêt. Il était peut-être intéressant d’en faire l’expérience littérairement parlant, mais pour la lectrice que je suis, c’est un échec, comme l’a été Moderato Cantabile de Marguerite Duras. Et vous, aimez-vous le nouveau roman ?
Les Gommes, d’Alain Robbe-Grillet
Roman paru en 1953. 264 pages chez Éditions de Minuit.
Prix Fénéon en 1954.
Je t’avoue que cet auteur ne m’a jamais intéressée et que je ne crois pas qu’un jour je relirai un de ses livres. Par contre je n’avais pas ressenti la même chose en lisant « Moderato cantabile » donc je ne peux pas te dire si c’est l’auteur, ou le genre de roman qui ne me convient pas…ça mérite que j’y réfléchisse. J’aime bien Beckett par exemple. En fait je crois que j’ai très rarement lu d’œuvres entrant dans cette catégorie et il y a aujourd’hui trop de temps pour que j’en parle.
J’ai suivi un cours sur le Nouveau Roman pendant mes études, et « Les Gommes » étaient au programme… Je n’en ai pas un souvenir précis, juste celui d’un livre purement cérébral, intéressant du point de vue intellectuel mais profondément ennuyeux à lire et ne véhiculant aucune émotion. Pas du tout ma tasse de thé… Par contre, j’avais bien aimé « L’Emploi du temps » de Michel Butor, lu dans le cadre du même cours!
Merci pour ton message ; il faudra que j’essaie ce Butor, merci pour le conseil !